SANS TITRE

Numéro d'inventaire : 1991.01.03
Auteur : TURPIN Philippe
Date de création : 1989
Domaine : Sculpture
Matière technique : Sculpture en bronze
Mesures :
Dimensions de l'objet en cm : 24 x 20 x 21
Description analytique : Histoires d'une vraie île En quête du trésor Les « arbres » et les « livres ouverts » des gravures de Philippe Turpin se confondent dans leur symbolique. Mémoire et histoire l'un et l'autre, ils délivrent les trésors de la connaissance. Dans une des gravures, des trésors imaginés au pied d'un arbre s'entremêlant aux racines tortueuses d'un noir profond amènent le spectateur à identifier ces dits « trésors » aux racines mêmes : la chasse au trésor pourrait simuler une chasse aux racines. Etranges, impossibles car ne pouvant prendre racine, sur une autre gravure, elles se développent et s'étalent sur un sol carrelé. C’est alors la raie lumineuse venue d'en Haut, pénétrant dans le feuillage et l'aspirant simultanément à sa source, qui justifierait l'existence de l'arbre. Imposante, elle ressemble à la lumière de la voix divine révélée à Saint-Augustin représenté avec ses Confessions (gravure de Philippe de Champagne). Par le biais de la grande figure, le premier à introduire l'individualité dans l'histoire et dans la foi chrétienne. Philippe Turpin nous invite à explorer ce en quoi il croit, en un mot, ses convictions. L'île est un livre En atteste le titre donné à une gravure « Livre aux trésors » : livre ouvert dont chaque page est datée : celle de gauche trouée mentionne l'année 1460 el celle de droite avec un trou à nouveau barré par un « disque », l'année 1516. Correspondent-elles à la découverte de l'île de La Réunion et à son peuplement lorsque les bateaux - hantant le livre ou les gravures - sillonnaient les mers à la découverte de nouveaux mondes ? Découvrir une île permet d'écrire un livre ou « graver » un nouveau commencement de l'histoire, un nouveau mythe de la création. Le marque-page, autre motif remarquable de la gravure, est une liane matérialisant une autre conviction du graveur : dans l'île, la nature tient lieu de lien, de racine. L'ile est la racine L'artiste la formule autrement : « L'arbre, c'est le symbole de La Réunion. Il existe sur l'île une pléthore d'espèces : six ». Philippe Turpin réalise alors un chef-d'œuvre : une empreinte de pied, plantée d'arbres se détache d'un fond et les arbres aux feuillages jaunes et verts, seules couleurs dans le monochrome bleu, remplacent les doigts. A la simple métaphore arbre-pied, succède la métaphore de l'île-pied. L'empreinte est bleue, couleur des profondeurs, comme le fond car elle désigne les dessous de l'île dans la mer : le vert et le jaune des arbres indiquent alors l'île en sa surface. Avec ces métaphores et ces couleurs topographiques, Philippe Turpin semble proposer une réponse aux réunionnais en quête de leurs racines : c'est l'île dans ses dessous et ses dessus, dans la mer et sur la mer, là où commencent notre histoire et noire mémoire. Femmes à la face cachée Si les gravures célèbrent l'île sa légende son histoire et sa nature, les sculptures de l'artiste représentent des femmes dans des postures « barrant.. » la face intérieure de leur corps : chevelure, bras et jambes cachent visage, seins, ventre et sexe. Ainsi les agencements de formes ou de mouvements rendent invisible ce qu'il n'est pas nécessaire de voir pour savoir. La femme chez Philippe Turpin n'est surtout pas la face sexuée Elle est dans son repliement dont on voit seulement les dessus. La femme sculptée serait alors la sculpture elle-même, un art des profondeurs donné en surface. Colette Pounia

Exposition :
Référence : Sculpture à la Réunion 1992 Artothèque de La Réunion 20/02/1992 28/03/1992
Date de début : 1992-02-20T05:38:49.000000Z
Date de fin : 1992-03-28T05:38:49.000000Z
Description : Esquisse d’une nouvelle pratique Dans le cas de la Réunion, les manifestations d'arts plastiques sont à surveiller de près, à suivre aussi, car les éternels recommencements sont une singularité de l'île où les projets pour le pays ne sont généralement que des projets d'individus, hommes de passions louables mais aussi, souvent, hommes de passage furtif, liés aux carrières souvent variables qui donnent aux entreprises culturelles cet aspect inachevé, que le temps détruit régulièrement, que d'autres recommencent aussi régulièrement, comme si on avait le temps ! Or le temps ne nous laisse pas le temps d'inventer le périmètre du cercle. Alors que (heureuses nouvelles !) les standards de l'art contemporain sont à nos portes, il faut prendre le temps, pour ne pas laisser le temps au temps et construire sur des structures, des politiques qui durent au-delà des hommes et des modes. Des indices de base, d'ailleurs, sont déjà perceptibles depuis quelques années où, par l'impulsion de l'Etat et des collectivités, une certaine cohérence caractérise les actions entreprises dans le domaine des arts plastiques : création du Fonds Régional d'Art Contemporain, recentrage de la politique muséale, initiatives pri­vées qui régularisent les activités des galeries, associations d'artistes, concours de photographie au Port, ouverture des espaces d'exposition dans les médiathèques (Saint-Pierre, le Port, Saint-Benoît, Maison du Monde à Saint-Denis) et plus récem­ment, la création de l'Artothèque de la Réunion, lieu important de la vie artistique et dont les heureuses initiatives et les actions innovantes sont attendues par les artistes. La distribution des prix ... En marge de la création solitaire de l'artiste, la vie des arts plastiques est marquée par des usages. Il y a les prix. Il se pourrait qu'ils poursuivent leur carrière comme illustration d'une certaine politique, d'un rituel qui permettrait une distribution de récompenses aux artistes méritants d'un jour. Et après ? Il ne faudra plus chercher à savoir ce que devient l'artiste, ni le destin du prix. Le prix deviendrait dans ce cas l'exemple même de la bonne action. Dans l'absolu. Après tout, l'art pourrait n'être plus qu'un prétexte. Cependant, s'il visait au-delà de la récompense et de l'anecdote -son statut institu­tionnel reconnu -le prix confinerait à l'ambiguïté, au dilemme. Il peut être mauvais, tel celui des comices agricoles : un mauvais prix dévalue l'œuvre. Il peut être bon : un bon prix dévalorise une œuvre. Il peut être juste : un juste prix normalise une œuvre. Dans tous les cas, la prétention à l'évaluation de foire dessert l'œuvre et peut humilier l'artiste, dans le contexte où cette pratique serait la seule issue. Et les artistes non primés furent en colère ? J'en revois d'importants, venus là parce que plus rien ne se passait ailleurs, et qui repartirent, l'œuvre sous le bras, maudissant non point le sort mais leur propre faiblesse de s'être prêté au jeu des bons et des mauvais élèves devant un jury qui avait perdu le sens de la relativité des choses. Même si depuis longtemps, les médailles que l'on accroche au paletot des artistes ne servent plus, les anniversaires, les décorations ne produisent plus de sens et ont recours aux entourages médiatiques (décor, musique, buffet, autorités civiles, religieuses et militaires) pour faire illusion, nous savons aussi que les prix ont la vie dure. Et à l'instar de toutes les valeurs, les vieilles en général, ils auront toujours leurs défenseurs et leurs militants dont les intentions et la légitimité terrorisent parfois les novateurs. D'ailleurs on peut remarquer que dans les institutions qui s'occupent davantage de l'élevage, de l'éducation, du dressage (l'Education nationale), les prix ont été élevés au rang de valeurs sacrées avant de disparaître sous les coups de la démocratisation de masse, majoritairement marxienne. Paradoxe, ou logique, l'art et la littérature ont échappé au grand brassage égalitaire. Là où l'on tenta de démocratiser la création en assignant à l'artiste des consignes sociales, voir socialistes, les productions ont entraîné la mort des artistes - thuriféraires. Heureusement. Alors il faut laisser les prix dormir de leur profond sommeil et s'enticher d'autres choses, d'autres aventures « jubilatoires » qui satisfassent l'esprit et agitent la créa­tivité, dynamisent de saines confrontation et reconnaissent la pensée qui s'exprime … La bourse et la vie La bourse de la création Ambroise Vollard est une nouvelle pratique. D'abord, il faut remarquer que l'on ne mélange plus les genres. La bourse Ambroise VOLLARD sera attribuée distinctement à la sculpture et à la peinture. Elle prend en compte une réelle problématique de la culture à la Réunion. Elle nous contraint d'initier nos projets en fonction d'une politique conçue, sur place, à partir de la Réunion et qui doit durer. Elle comprend la création comme un phénomène fondamental qu'il convient de reconnaître par des actions incitatrices. En ce sens elle peut être décisive pour la Réunion. Elle inaugure, pour le moins, par un axe, une réflexion sur ce que pourrait être un ensemble de mesures d'encouragement à la création artistique. Cette bourse se traduit par l'attribution à plusieurs artistes d'une somme de nature à les aider à mieux s'organiser pour travailler. Mais bien avant l'attribution d'une bourse, la manifestation permet aux artistes choisis d'exposer ensemble en un lieu spécialisé, bénéficiant de conditions qui valorisent leur production et mettent en évidence les tendances de chacun. La confrontation est double dans ce cas : d'abord, elle se passe avec le public - certains jeunes artistes sont pour la première fois mis en évidence et signalés - ensui­te, elle a lieu de manière cordiale entre les artistes - certains se rencontrent avec leurs œuvres pour la première fois aussi et sont situés dans un ensemble qui confirme, valide, renforce des démarches ou pousse à l'interrogation à propos d'une tendance, d'une technologie, d'un matériau. L'édition d'un catalogue qui fixe l'événement et lui attribue son caractère fait partie des éléments indissociables de la manifestation. La recherche du définiti ? de l'infini ? de la postérité ? assurément. Mais il est surtout question du repérage, de la nécessaire écriture d'une histoire de l'art qui ne peut se passer de l'édition des traces de sa propre image (de l'image des œuvres et des artistes qui la font). Pour la Réunion, cette évidence d'ailleurs doit être reconnue, et exige une plus grande rigueur éditoriale, certaines éditions, souvent au luxe brillant et coûteux, ont plus contribué à l'obscurité et à l'éphémère qu'à la clarté et à l'histoire de l'art. En outre, les « jeunes participants » sont épaulés et encouragés par la présence des artistes plus confirmés, dont le travail, les œuvres, sont reconnus et qui occupent une position acquise par une longue implication et une assiduité qui marquent déjà l'histoire de la sculpture à la Réunion et représentent, hors d'Europe et d'Asie, sur un territoire aussi exigu, un exemple consistant d'une créativité dont le niveau et la densité laissent percevoir l'émergence des grandes épousailles artistiques. L'exposition, le catalogue, les bourses sont un triptyque qui inaugure bien une année d'activité et de promesses. Antoine MINATCHY Conseiller Artistique In catalogue Sculpture à la Réunion 1992


Mots clés :
FEMME - PERSONNAGE - AGE ET SEXE - ETRE HUMAIN - ANATOMIE - SCIENCES PURES -