L'HISTOIRE ETERNELLE

Numéro d'inventaire : 1998.19.01.4
Auteur : COUTEAU Claude
Date de création : 1992
Domaine : Peinture
Matière technique : Acrylique sur toile
Mesures :
Hauteur en cm : 96,5
Largeur en cm : 64,5

Description analytique : L'histoire éternelle est composée de quatre panneaux et se déploie sur plus de deux mètres cinquante de long. Les couleurs chaudes et vives dominent le paysage montagneux à la végétation luxuriante : les verts du sol et les ocres jaunes des buissons répondent aux rouges et aux bleus des fleurs et des feuillages géants. Tels les motifs d’un tapis ou d’un canevas, les végétaux se tissent dans la matière picturale. Sur chaque panneau on distingue des personnages, femmes et enfants, peints de manière simplifiée et se fondant dans la nature environnante. Elles sont représentées dans des actions simples, comme cueillir des fruits et des fleurs, marcher, dormir, jouer... Une véritable harmonie et joie de vivre se dégagent de ce tableau : les figures humaines, nues, allongées ou en mouvement, semblent être en osmose avec le paysage. Cette œuvre nous évoque les toiles de Matisse, comme Luxe, calme et volupté de 1904-05 ou le Bonheur de vivre de 1906 : mêmes couleurs vives et expressives que dans les peintures fauves, même simplification formelle, même impression de bien-être. Les couleurs et les formes de Claude COUTEAU s’émancipent de leur modèle réel pour devenir expression des sentiments et des émotions de l’artiste. L’artiste exprime une vision personnelle et intériorisée du monde qu’elle peint, au-delà de tout espace-temps précis : elle compose un monde hors du temps, un ailleurs joyeux et idyllique. L’univers coloré et onirique de Marc Chagall n’est pas d’ailleurs loin non plus : le monde peint par Claude COUTEAU est empreint de poésie et de sensualité et échappe à tout naturalisme pour créer cet Eden où forme et fond, figure et nature s’entremêlent et se font écho les unes aux autres... Delphine Colin, mai 2012

Exposition :
Référence : Dèryèr solèy 97.4 Artothèque de La Réunion 12/08/1998 04/10/1998
Date de début : 1998-08-12T05:39:23.000000Z
Date de fin : 1998-10-04T05:39:23.000000Z
Description : Sur la côte au vent, à L’Ile de La Réunion, le soleil semble monter de l’horizon « bardzour ». Le soir, sous le vent, il semble s’enfoncer dans la limite infinie de l’océan et du ciel. Aucune terre visible vers le large à hauteur du 21e parallèle Sud. Ile ouverte sans/tout frontières. De La Plaine des Cafres, la famille Cadet assiste au départ de l’un de ses enfants : Claude quitte l’île avec, comme viatique, son époux, qui rejoint une autre affectation fonctionnaire en Métropole. C’était dans les années soixante, au cours desquelles le mouvement migratoire s’est amplifié sous le couvert de la nationalité. Aujourd’hui, plus de 150 000 originaires de l’île constituent la diaspora réunionnaise. Pour beaucoup d’entre eux l’exil volontaire constitue une promotion, un affranchissement d’espaces géographiques, professionnels voire affectifs restreints. Un nouveau monde. Les réunionnais « du dehors » ont manifesté le besoin de se sentir rattachés à la culture de leur île natale. Être tenus au courant de publications, d’éditions musicales, littéraires, accueillir des manifestations dans leur régions d’adoption, et se faire connaître dans l’île en retour. Comme un feuilleton en plusieurs épisodes, dans la série 20R 974, l’Artothèque du Département de La Réunion a accueilli déjà quelques-uns de ces artistes élargis (1). Les œuvres de Claude Couteau sont quasiment inédites ici. Une exposition en 1992 à la Galerie Australe à Saint-Denis et l’acquisition d’une œuvre par le Conseil Régional de La Réunion. L’artiste vit à Saint-Etienne où elle milite au sein de l’association des amis du célèbre musée d’art moderne stéphanois. Elle a fréquenté les écoles d’art : les Beaux-Arts du Mans et de Metz et a entrepris une création picturale originale dont les traces remontent à 1982, par une exposition au musée de Sarguemines en Moselle dont les Dernières Nouvelle d’Alsace rapportent : « palette chatoyante très imaginative, qui fait chanter les couleurs avec une exubérance retenue. Les tourments se diluent dans la rigueur, la richesse imaginative, se résorbe dans la discipline de la composition d’ensemble… Elle nous livre sa méditation pleine de nostalgie et de parfums prenants. Ces paysages intérieurs de la lointaine Réunion exigent une disponibilité patiente, ils séduiront alors infiniment ». En 35 ans, Claude Couteau est revenue trois fois à La Réunion. Ces retours ne sont pas étrangers au contenue de ses tableaux : elle ne retrouve plus le monde de son enfance et l’imagination permet d’échapper aux changements et accentue l’expression de soi. L’île imprègne d’une façon ou d’une autre la pensée et le style : le traitement du végétal et du paysage, les couleurs. Les œuvres de Claude Couteau renvoient à une image de La Réunion pittoresque telle qu’elle peut être lisible par les codes continentaux européens depuis son « invention » : printemps permanent, île prédestinée à l’agrément, à l’abondance, douceur et salubrité, luxe, calme et volupté. Un chromatisme tropicalisé établi par Gauguin, Matisse, les peintres orientalistes… Il s’agit d’une peinture généalogique qui puise son inspiration dans les souvenirs, l’enracinement, les liens de parenté, la filiation. Claude Couteau exprime avec élégance sa chanson intérieure-à la « ti flèr fané » par exemple et d’autres romances archaïques - et recrée un jardin secret mystérieux, aux apparences nostalgiques, au paganisme recréé peuplé de figurants intemporels dans un lieu rêvé fécond. Dans une nudité arcadienne et édénique d’avant la faute. Dans La porte sur les étoiles, l’artiste assemble autour d’une étoile blanche à quatre branches, dans une composition spiralée à la manière des formations cycloniques, in « patchwork » de couleurs. Ce barbarisme évoque les tropiques ainsi que les feuillages à allure de palmes. L’espace est intimement habité de scènes d’enfance, (de conversations, de jeux), de jeunesse (courses, étreintes pudiques), d’animaux qui qualifieraient des constellations : chiens de chasse ou de berger, la colombe. Les zones colorées concentriques et diagonales sur un réseau de formes géométriques constituent la nature outre-mer dans cette vision narrative de l’au-delà. Un large tourbillon ascendant sous-tend Le souffle léger du vent. Voix féminine de la beauté exposée à la lumière. La surface est envahie par une structure chromatique, décor naïvement tropical à l’image d’un jardin oriental, sensuel. « La voyez-vous mon île bien aimée S’épanouir aux rayons du matin, En demandant à la brise embaumée Sa tiède haleine et son souffle mutin ? … » (2) La narration mythique s’accentue dans Contes et Légendes. L’assemblage des 59 contes d’Inde, d’Afrique et de folklores divers participe à une sorte de créolitude dans une composition de bouquets animés sans centre ni périphérie. Ces trois œuvres ont en commun leur format monumental manifeste. Elles condensent des thèmes, des compositions et des techniques exprimés dans des tableaux antérieurs. Depuis 1989, dans Le départ fuite, la combinaison animal-personnage et dans Jardin d’Eden, la végétation animée, associée à la nudité pudique d’une jeune fille, détermine la trajectoire féconde de l’œuvre qui aboutit provisoirement avec L’arbre de vié, où le sacré s’extériorise, se substitue à la malédiction. La série Paroles met en valeur la contemplation, la complicité, le mystère féminin ; les personnages- en double-sont le plus souvent. Les couleurs correspondent à une résonance intérieure que les êtres et les choses éveillent dans l’âme. En silence. A l’intérieur. La petite semaine, en 1991, regroupe 7 personnages dans un décor fleuri qui laisse l’horizon ouvert sur l’océan. L’histoire éternelle exprime une vision symboliste parnassienne dans un tétraptyque où montagne, végétation, coulée de lave et océan se réfèrent à ceux de La Réunion éternelle. De façon plus intime, les dessins à l’encre révèlent sans repentir les séquences du message de l’artiste : fécondité, figures féminines référentielles, bestiaire fabuleux et familier… Claude Couteau exprime innovation et conservatisme à travers la poésie mystique de la joie de vivre et de la mémoire libre sans paroles. L’exposition s’intitule Dèryèr Solèy. L’artiste revient avec ses œuvres à La Réunion et s’interroge sur les racines îliennes, sur l’effet que produit l’île sur son identité alors qu’elle n’y habite plus. La féminité outre-mer l’habite. La candeur utopique de l’enfance ou du primitif est également associée à l’expression Dèryèr Solèy dans la langue créole réunionnaise ainsi que la notion d’étranger (hors du monde). L’expression peut être méprisante pour qualifier ceux qui habitent loin dans les Hauts de l’île dont l’isolement produit le statut « d’arriérés ». Les peintures et les dessins de Claude Couteau ne correspondent pas à la norme. Elles échappent aux classifications définitives et constituent un maillon fiable pour une histoire réunionnaise de l’art créole. Wilhiam Zitte Extrait du catalogue « Dèryèr Solèy 97.4 », 1998 1 Mireille Vitry, André Robèr, Le Collectif PAR III (Karine Chane-Yne, Emmanuel Gimeno et Patrice Fume-Courtis), Mickaël Elma, Marie Ange Damour et Gérard Villain 2 M. Voiart, « Mon île », Épître à la colonie, 1856


Mots clés :
scène de genre - scènes - représentation humaine - genre iconographique - paysage - genre iconographique - FEMME - PERSONNAGE - AGE ET SEXE - ETRE HUMAIN - ANATOMIE - SCIENCES PURES - MONTAGNE - GEOGRAPHIE MORPHOLOGIQUE - NATURE - SCIENCES PURES - ARBRE - PLANTE - BOTANIQUE - SCIENCES PURES - PLANTE - BOTANIQUE - SCIENCES PURES -