CORVEE MATINALE, FIANARANTSOA

Numéro d'inventaire : 1996.26.07
Auteur : MEN Pierrot
Date de création : 1994
Domaine : Photographie
Matière technique : Photographie noir et blanc sur papier baryté
Mesures :
Hauteur en cm : 20
Largeur en cm : 30,5

Description analytique : ...Il est d'autres personnages qui incarnent plus fortement la solitude. Cruellement parfois, comme ce malade - mais peut-être est-ce plutôt un condamné dans la cour d'une prison - d'un de ces asiles dont la seule justification ces dernières années semble avoir été d'offrir à des photographes compatissants (Mario Giacomelli, Raymond Depardon...) l'occasion de dénoncer l'extrême délaissement auquel la société peut condamner l'un des siens : enveloppé d'une couverture, adossé au mur hostile qui découvre ses dents, il attend peureusement qu'on le renferme dans la cellule dont la porte sombre semble le surveiller de son judas réticulé ; ou ce convive qui s'est attardé dans une pauvre salle de restaurant aux tables de guingois et aux bancs dépareillés sous la lèpre du plafond crevassé qui semble s'incurver pour le pousser dehors. Plaisamment d'autres fois. Voici un garçon boucher courbé sous un quartier de boeuf qui le coiffe comme d'une cornette et lui fait courber dévotement la tête... Mais non ! il est lourdement chargé, avance précautionneusement, le souffle court, discerne-t-on à ses lèvres écartées. Or le mur derrière lui, de pierres à épais joints de ciment, ressemble à du tissu épithélial et s'oppose de toute sa solidarité cellulaire à ce que l'on emporte ainsi chair découpée : de la gauche une longue barre grise vient frapper le porteur au genou ; devant lui ça se gonfle, s'arqueboute et se forme en carré pour bloquer l'avancée de ce Sisyphe du trottoir. Son infortune n'est qu'imaginaire, certes, née d'un clin d'oeil du photographe, mais symboliquement forte, car l'on sait bien que le malheur de Sisyphe est sans remède, comme d'ailleurs est sans atténuation possible ce qui a été une fois pour toutes arrêté en photographie. Nul ne viendra donc non plus mettre fin à l'attente de cette soeur Anne endimanchée qui malgré la tutelle de l'église ne voit rien venir de l'hors-champ... Extrait du catalogue " à l'intérieur d'à côté " (Pierrot Men, Philippe Gaubert), 1996 Jean Arrouye Association Internationale des Critiques d'Art

Exposition :
Référence : A l'intérieur d'à côté Artothèque de La Réunion 25/09/1996 10/11/1996
Date de début : 1996-09-25T05:39:10.000000Z
Date de fin : 1996-11-10T05:39:10.000000Z
Description : II y a sans doute bien des choses qui rapprochent Pierrot Men et Philippe Gaubert, qui ont fait que, justement, on a décidé d'exposer simultanément les photographies que tous deux ont faites à La Réunion et à Madagascar. Et d'abord un commun intérêt pour l'homme, pour les individus observés dans leurs activités quotidiennes, leurs attitudes ordinaires, leurs gestes habituels, sur leurs lieux de travail et de loisir, l'atelier, la cantine, le champ, la maison, voire la prison, la rue, car c'est du petit peuple qu'il s'agit, paysans, ouvriers, badauds en tous genres, hommes principalement et enfants aussi, les femmes, à l'exception de quelque passante ou travailleuse aux champs, étant, on le suppose, occupées ailleurs, retenues par les tâches ménagères dans l'espace privé des cases. L'attention prêtée par chacun des photographes aux faits et gestes des personnages entraîne également une manière analogue de traiter l'espace, en lieu scénique, ouvert sur l'avant, peu encombré d'objets, où les personnages, proches, sont situés généralement au centre. L'un et l'autre sont aussi ménagers des effets pittoresques : les éléments du paysage, arbres, nuages, bâtiments sont toujours subordonnés aux personnages ; la dramaturgie de l'ombre et de la lumière, plus expressivement exploitée par Philippe Gaubert, peut-être, qui ne dédaigne pas les effets de contre-jour, plus poétiquement mise en scène par Pierrot Men, sans doute, qui en fait un moyen d'assujettir intimement ses personnages au lieu où ils s'isolent, reste au service des acteurs de la comédie humaine ; les images sont presque toujours prises à hauteur d'œil, sous cet angle de vue qui est celui de tout un chacun et qui, en conséquence, fait qu'on oublie le photographe, ses intentions particulières et ses partis-pris esthétiques au profit d'une naturalité - calculée certes et dont l'humilité apparente est une habileté - qui fait que les actes et les gestes de chacun semblent aller de soi et que les gens paraissent se comporter avec spontanéité. C'est donc là une photographie de témoignage de bonne foi et de juste approche, amicale et généreuse, puisque donnant à connaître à autrui - à nous spectateurs aujourd'hui - dans leur vérité familière et sympathique ceux qu'elle photographie avec respect et compréhension, humaniste dans le bon sens de ce terme, un peu galvaudé depuis que certains photographes ont découvert que la douleur des hommes était esthétisable à merci. Chez Pierrot Men et Philippe Gaubert on ne trouvera ni volonté affichée de style ni complaisance misérabiliste. Ils sont avec simplicité - et cette simplicité est à la fois un style et une morale de gens d'images - proches de ceux qu'ils photographient et parviennent en conséquence à nous les rendre proches. En tous sens ce sont donc des gens de bonne compagnie... Extrait du catalogue " à l'intérieur d'à côté " (Pierrot Men, Philippe Gaubert), 1996 Jean Arrouye Association Internationale des Critiques d'Art


Mots clés :
scène de genre - scènes - représentation humaine - genre iconographique - HOMME - PERSONNAGE - AGE ET SEXE - ETRE HUMAIN - ANATOMIE - SCIENCES PURES -