MESSAGE 6

Numéro d'inventaire : 2002.03.01
Auteur : FONTAINE Thierry
Date de création : 1997
Domaine : Photographie
Matière technique : Photographie en tirage argentique couleur
Mesures :
Hauteur en cm : 110
Largeur en cm : 68

Description analytique : Série « Les Messages » 1996 La photographie du FNAC, mise en dépôt au Musée Léon Dierx, appartient à une série infiniment variée d’ « autoportraits » d’une grande cohérence due à l’unité du thème de la solitude. Sur ces « portraits » qui n’en pas au sens strict du terme, l’artiste photographié ne se montre jamais complètement, brandissant devant son visage le mot « SEUL » inscrit sur une chemise ou un carton comme sur la photo qui est ici commentée. Cette pratique qui consiste à intégrer la photographie dans une démarche artistique qu’elle soit Action, Performance ou Installation éphémère est connue depuis longtemps. En 1960, pour l’ « Envol dans l’espace », Yves KLEIN se fit photographier se jetant dans le vide (l’artiste survécut à sa performance grâce aux «truc» du photo-montage). L’originalité du travail de Thierry FONTAINE réside dans l’humour et la légèreté de la mise en scène du « cri » existentialiste de l’artiste : «SEUL». Seul, entre ciel et terre, entre mer et montagne au centre d’une voie de communication. L’auto-stoppeur ne demande pas qu’on le transporte d’un endroit à un autre. Il s’affiche, s’impose au cœur de son environnement, revendique sa solitude, son isolement au milieu des échanges humains. L’homme, l’individu différencié du groupe, nous amène à une notion métaphysique de l’être, de ses interrogations sur l’existence. C’est une question d’identité. L’insolite et amusante image est accrocheuse, elle nous conduit en définitive à la gravité d’une réflexion profonde, à une vraie revendication, un engagement total qui passe par l’abandon de soi, l’exposition de la nudité de la chair d’autant plus évidente que le corps de l’artiste reste caché. Ce dépouillement exprime la vulnérabilité de l’homme. De Bruce NAUMANN à CHRISTO on sait le pouvoir révélateur du voile qui dévoile. En s’exposant, l’artiste communique à l’œuvre son énergie, sa vitalité, la valide. La dimension sensuelle est claire, c’est le corps humain, la matière faite de chair qui parle et le mot SEUL prend corps. Cet élan vers un mariage mystique apparaissait déjà chez les enlumineurs du Moyen Age qui joignaient l’image aux écrits saints afin de magnifier la sainteté, la grandeur du Verbe divin. Dans sa démarche, l’artiste brandissant sa pancarte, entend affirmer son identité dans la société des hommes. L’importance du mot, de sa graphie ne peut nous échapper ni son affinité au tag. Ce mot qui signifie étiquette, désigne les graffitis apparus au début des années soixante dix dans les ghettos new-yorkais. La simple signature, affirmation identitaire, taggée à la bombe colorée sur les murs des espaces publics des débuts, fut suivie de gigantesques mots enluminés d’une habile calligraphie couvrant tout : murs, toits, sols, poubelles, bancs publics etc… transformant le métro new-yorkais en mot-train dans une esthétique nouvelle où le signe envahit l’environnement urbain. La culture rap évolue dans ce même univers (qui, par ailleurs, voue un culte aux marques, labels et autres étiquettes). Elle vise, sur un fond existentialiste, la maîtrise de la langue, le jeu linguistique : « je rap, phrase, façonne la phrase / Caressant, domptant, sculptant les mots » (NTM). Élément majeur de cette joute oratoire, l’apostrophe fait partie intégrante du rap, elle nous ramène au geste de Thierry FONTAINE qui nous interpelle. Dans ce mélange d’humour et de provocation son travail rejoint la Figuration Libre. Loin de l’exaltation de l’ego de BEN, la profondeur et la multiplicité des sens qui se dégagent de sa recherche le rapproche davantage des américains comme Keith HARING ou plus exactement de TSENG Kwong-Chi, bien que ce dernier évolue au travers de thèmes différents. Le même esprit est repris dans « VENDREDI » où le concept se matérialise dans la sculpture. Un point d’équilibre est trouvé entre l’image et le signe. Dès lors, la présence physique de l’artiste n’est plus nécessaire. Le concept de la solitude se retrouve dans le mot vendredi prononcé par deux poissons qui suggère aussitôt l’isolement du célèbre naufragé de la littérature anglaise et nous rappelle l’insularité de l’artiste réunionnais. Cependant, les poissons sont aussi les symboles du Christ qui a vraisemblablement éprouvé la solitude ce vendredi là. Ainsi, la dimension spirituelle de cette sculpture en cire rouge n’est plus équivoque. Le réalisme des têtes tranchées suggère la violence de la mort, leur aspect mat contraste avec la matière moelleuse et translucide des lettres qui filtre la lumière. Mot-concept qui prend corps, VENDREDI est une recherche mystique d’union de l’esprit et de la matière qu’incarne le Christ en croix. Le signe sculpté dans l’épaisseur de la « chair » va à la conquête de la quatrième dimension, la matière elle-même s’élève à la dimension divine qu’est le Verbe dans une fusion du signe et le l’image. Devenue impropre car réductrice, la représentation est insuffisante à traduire le concept de la solitude, en cela la pertinence du choix du médium apparaît tant dans la photo que dans la sculpture. Cet instant de l’angoisse connu des existentialistes pour lesquels l’authenticité de l’homme passe par l’expérience de ce qui consiste à « être dans le monde » trouve sa pleine expression dans l’instantanéité de la photographie. De même que le mot-concept « incarné » ne pouvait se traduire que dans la sculpture de cette cire au pouvoir évocateur très riche nous guidant, par sa parenté à la myrrhe, qu centre des préoccupations des embaumeurs égyptiens qui œuvraient afin d’offrir au corps humain sa part d’éternité. A travers les « Messages » de Thierry FONTAINE nous percevons l’épaisseur des mots. Ils font appel au regard intérieur, au « troisième œil qui voit les tableaux et même les images mentales » de MERLEAU-PONTY, « l’œil frontal de sapience » de MI You-Ren (peintre chinois, 1086-1166) et joignent à la vérité humaine une étincelle divine. Caroline de Fondaumière, Historienne de l’art Catalogue Conception perpétuelle (1998)

Exposition :
Référence : Matière à Penser Artothèque de La Réunion 31/08/2002 20/12/2002
Date de début : 2002-08-31T05:39:40.000000Z
Date de fin : 2002-12-20T05:39:40.000000Z
Description : C'est sur un fond de contestation globale de la société, sorte de dissidence culturelle conduite par l'idéologie hipie au cours des années soixante qu'apparaît l'Art corporel (en Europe) ou Body Art (aux Etats Unis). En rupture totale avec les pratiques artistiques traditionnelles, certains artistes ont fait de leur corps un médium d'expression formelle, l'exposant parfois aux situations les plus extrêmes, l'inscrivant avec force dans un discours engagé et subversif visant à perturber, changer ou remettre en question les anciennes valeurs, les modes de vie traditionnels et le pouvoir établi. Le recours à la photographie, par ces artistes présentant leur propre corps, répondait alors à un besoin de témoigner d'une action ou d'une performance éphémère. Rapidement la photographie fut intégrée au processus de création, dans une relation où l'artiste lui-même venait faire corps avec son œuvre. C'est cet état de connivence liant le médium photographique et le corps de l'artiste que nous révèlent les expressions de trois plasticiens d'origine et de culture différentes : Julia Tiffin (Sud-Africaine), Qui Zhijie (Chinois) et Thierry Fontaine (Français)... Caroline de Fondaumière, Catalogue Matière à penser


Mots clés :
figure - figures - représentation humaine - genre iconographique - PIED - JAMBE - MEMBRE - PARTIE DU CORPS - LE CORPS HUMAIN - ETRE HUMAIN - ANATOMIE - SCIENCES PURES - EROTISME - PLAISIR - SENSIBILITE - COMPORTEMENT PSYCHOLOGIQUE - PSYCHOLOGIE - PHILOSOPHIE - PSYCHOLOGIE - TAHITIEN - OCEANIEN - ETHNOLOGIE - SCIENCES SOCIALES - PONT - EQUIPEMENT DES ROUTES - TRANSPORT ROUTIER - TRANSPORT TERRESTRE - TRANSPORT - SCIENCES APPLIQUEES, MEDECINE, TECHNOLOGIE - FONTAINE Thierry -