La Porte

Pongérard Eric La Porte

Au début du commencement on se demandait si Eric Pongérard n’allait pas devenir ébéniste ou tailleur de pierre.
Lorsque j’ai rencontré Eric Pongérard, il montrait des pièces qui tenaient plus de l’école Boulle que du musée d’art contemporain. L’homme cherchait dans le regard du spectateur reconnaissance et compréhension. Il créait de jolis objets pétris d’habileté. Sa formation artisanale avait pris le dessus.

Le détail anecdotique envahissait tout. Il y avait surcharge, surbooking d’idées dans chaque œuvre. Et puis un jour il s’est installé à Jeumon (Saint-Denis). En même temps qu’il acquérait un atelier digne de son talent, sa sculpture prenait un virage prodigieux. Ça a commencé par des sculptures de métal qui trouvaient leur origine dans une commande de la Ville de Saint-Denis dont l’artiste est le digne enfant. Acteur de la recherche identitaire réunionnaise, Eric Pongérard est influencé par le questionnement sur l’esthétique religieuse à la Réunion. Ses totems de basalte allient le cœur de la montagne à l’élévation spirituelle.
J’ai toujours connu Eric Pongérard passionné par la matière et par le mystère du cœur de la pierre. Il trouvait si beaux les galets que charrient les ravines … Beaux de l’extérieur. Perfection de la nature aussi bien dans les teintes que dans la forme. Lisses et ovoïdes comme des œufs. Le mot est lâché. Il pensa à ses galets comme à des œufs de montagne et voulut s’en faire une omelette. Il brisa les œufs et fut émerveillé par l’intérieur qui révélait une richesse insoupçonnée. Des cristaux de soufre, de mica ou autres, de teintes différentes, intimement liés au basalte variaient la matière. Il fut touché par le contraste des teintes dehors et dedans, du lisse de l’extérieur avec l’aspect brut de l’intérieur.
Eric Pongérard allie une technicité incontestable au propos d’être réunionnais. Il transcrit le questionnement identitaire dans la pierre de son île. Et dans la modernité de ses résines de plastique fait passer la lumière de l’avenir pour illuminer d’énergie nouvelle le limon originel encore trop peu connu ou reconnu.

Laurent Segelstein, extrait du catalogue d’exposition « Eric Pongérard, sculptures », ODC, 1992