RE-BIRD
28 avril 2023 – 19 octobre 2023
Titre manifeste, Re-Bird sonne, crie ; il pointe l’urgence de l’adaptation de l’humain à un territoire élargi à toutes les espèces en interrelation, l’une se nourrissant de l’autre. Acclimatation, un dessin métamorphique d’une liane animale, est choisi comme motif(s) identitaire(s) de l’exposition. L’humain est une forme de vie dans le grand ensemble de toutes les formes de vie en formation. « Nous sommes partiellement humains » nous rappelle Emanuele Coccia. Les œuvres nous rappellent cela. L’artiste Clotilde Provansal « réclame la terre » et veut faire corps avec elle. Et pour se ré-intégrer dans le magma du vivant, il est nécessaire de prendre soin de l’autre, de réparer le territoire blessé par une histoire coloniale et plus globalement la modernité.
Sous ses apparences poétiques et magiques, RE-BIRD nous invite à une réflexion politique sur une nouvelle manière de vivre la terre : « habiter en oiseau » comme nous le propose Vinciane Despret, prendre pour modèle leurs chants qui redistribuent des territoires en considérant de nouvelles relations entre l’individu et le groupe. Dans l’histoire de son peuplement, l’île de La Réunion – où l’oiseau a été le premier habitant peuplant – oscille dans ce Mi-Nou, tantôt dit « je », tantôt dit nous. La pratique collaborative que l’artiste privilégie en est signifiante.
Clotilde Provansal prête attention aux pratiques sociales et culturelles. Le rituel du repas dominicain – geste de survivance et de résistance, en oiseau – sur des aires de pique-nique est l’expression du transport d’un chez soi dans le dehors d’un territoire étendu où l’on partage un repas en famille, à côté d’autres familles, à même l’humus, où la terre appartient à tout le monde, « écheveau de relations entre les minéraux, les plantes, les animaux et les humains » nous dit Rachel Louise Carson.
Établir des correspondances est au cœur du travail de l’artiste ; les œuvres se répondent entre elles comme dans les anciennes cartographies où l’on cherche à (se) représenter les inconnus, les in-vus. Relier l’art, les sciences et les sociétés, la nature et la culture, a lieu dans la collaboration. « Je vais chercher l’autre regard, l’autre geste, celui du soignant et dont le sens diffère » dit l’artiste.
Elle porte attention aux valeurs de la culture créole qui circulent dans les expressions langagières. Ses images sont des fonnkèr, des cris du fond du cœur, qui embaument les blessures enfouies au plus profond du corps car l’artiste est engagée dans la pensée du Care et de l’Écoféminisme, dans le combat pour un mode d’être dans un monde complexe sans discriminations.
Ces cris mis en scène, non expressionnistes, migrent du fond du cœur, traversent la trachée et sont transfigurés par des opérations magiques et merveilleuses. Choisir Hasawa, conteur, performeur et chantre de l’oralité, le personnage de Dévoration pétillante, une mise en scène du plaisir et de la fonction de la nutrition, démontre d’une nouvelle Renaissance en ce 21ème siècle qui travaille à la question d’une conscience politique du monde et de sa spiritualité à la fois.
RE-BIRD fait sonner et résonner ensemble des images en mouvement qui suggèrent la circulation du vivant dans ce grand orchestre métamorphique qu’est la planète Terre.
Texte de Colette Pounia, commissaire