LA DANSE DES DEMONS

Numéro d'inventaire : 2009.04.01

Auteur : BENARD Jean

Date de création : 2005

Domaine : Peinture

Matière technique :

Mesures :

Description : Une usurpation d’identité est à l’origine de mon amitié artistique pour l’œuvre de Jean Bénard.Je rends visite à un artiste dans le sud de l’île. Je remarque un tableau représentant le Jardin de l’état dans lequel sont punaisées des photos… La signature n’est pas très lisible… Le boug prétend que c’est lui qui l’a peint. Il me le donne parce qu’il est abîmé… Un an plus tard, je rencontre J. Bénard à Art’senik et fais le lien entre la signature de J. Bénard et celle de mon tableau. Jean me raconte l’histoire de la toile qu’il avait donné à quelqu’un et ce quelqu’un… Dans les années 90, j’aimais bien la diversité des mouvements culturels dans le sud de l’île. Jean Bénard qui vivait en SIDR à St Louis - grandeur et décadence des grandes familles sur les grands domaines, avait l’occasion de montrer ses toiles avec l’UDAR et les artistes du sud comme Gigan, Riani, Lesquin, D. Roubane, Mengin, Galerie Kephrem dans la suite de Puyjarinet, Afeedjee, B. Boyer, Labor… Il s’est éloigné rapidement des représentations de cases créoles et de flamboyants … Il traite de sujets tirés de la mythologie des manuels scolaires, de natures mortes, vanités et portraits qui revisitent les artistes modernes européens. Son style s’affirmait de façon singulière. Quelques œuvres échappent à ce mimétisme, à la créolisation, à l’usurpation d’identité. Les galiéristes installés dans la sous-préfecture l’ont ignoré superbement… Jean Bénard est ensuite allé s’installer dans le haut de l’Etang Salé. - Je l’ai vu affecté par l’incendie d’un magasin dans lequel était entreposé bon nombre de ses œuvres. L’envie de peindre n’en a pas été diminuée… - Il s’est radicalisé. Il abandonne l’agriculture : « Ça, c’était pour vivre. Mon truc à moi, c’est le pinceau… Je ne cherche pas ma peinture, c’est elle qui vient et m’appelle ; je suis dans l’obligation d’obéir… C’est comme un envoûtement… ». Il entreprend une « peinture de délire » : des lignes déstructurantes - expression de dépression, des compositions qui s’éloignent du cubisme originel. Des dessins au crayon précèdent toujours les réalisations à l’huile sur toile. Des sujets religieux et des évocations de guerres, de drames illustrent des phases de crises et de douleurs … La peinture s’éloigne radicalement de la forme figurative. Les couleurs achèvent de perturber les réseaux complexes de lignes qui sous – tendent la lisibilité des titres : portrait, nu, nature morte, bouquet. La couleur bleue donne encore un indice formel. Les autres teintes (rouge, vert, violet, orange principalement) s’associent dans les surfaces quadrillées déformées. Jean Bénard sait tirer parti de l’art pour maintenir un équilibre précaire entre le quotidien et l’imaginaire. Il trouve une raison positive de vivre dans la peinture. Celle-ci exorcise ses angoisses traumatiques permanentes, lui permet de combler la solitude physique et sociale dans laquelle cet artiste du silence est « enfermé » depuis de nombreuses années. Celle - ci évolue encore. Elle prend la forme d’une expression primitive d’interprétation d’un monde rêvé. Des tableaux aux lignes encore plus cloisonnantes prennent des teintes marrons et ocres après les oranges et les bleus … Le noir occupe une place importante … et quand il n’a pas de toile vierge, il repeint par-dessus.J’apprécie particulièrement ces quelques tableaux qu’il recouvre méthodiquement pour nettoyer ses pinceaux quotidiennement pendant de longue périodes …La peinture de Jean Bénard s’affranchit des affirmations et des certitudes. J’ai envie de la voir comme le produit généré par les créateurs du musée Léon Dierx (Marius et Ary) qui ont ancré l’art moderne de la métropole française, en 1911 et grâce aux œuvres choisies pour être offertes à la Réunion par Lucien, le frère d’Ambroise …William Zitte, 2013Extrait du catalogue d’exposition, Frac Réunion

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