PEI BATO FOU

Numéro d'inventaire : 1997.17.01
Auteur : TURPIN Philippe
Date de création : 1983
Domaine : Estampe
Matière technique : Gravure à l'eau forte
Mesures :
Hauteur en cm : 24
Largeur en cm : 30

Description analytique : Histoires d'une vraie île En quête du trésor Les « arbres » et les « livres ouverts » des gravures de Philippe Turpin se confondent dans leur symbolique. Mémoire et histoire l'un et l'autre, ils délivrent les trésors de la connaissance. Dans une des gravures, des trésors imaginés au pied d'un arbre s'entremêlant aux racines tortueuses d'un noir profond amènent le spectateur à identifier ces dits « trésors » aux racines mêmes : la chasse au trésor pourrait simuler une chasse aux racines. Etranges, impossibles car ne pouvant prendre racine, sur une autre gravure, elles se développent et s'étalent sur un sol carrelé. C’est alors la raie lumineuse venue d'en Haut, pénétrant dans le feuillage et l'aspirant simultanément à sa source, qui justifierait l'existence de l'arbre. Imposante, elle ressemble à la lumière de la voix divine révélée à Saint-Augustin représenté avec ses Confessions (gravure de Philippe de Champagne). Par le biais de la grande figure, le premier à introduire l'individualité dans l'histoire et dans la foi chrétienne. Philippe Turpin nous invite à explorer ce en quoi il croit, en un mot, ses convictions. L'île est un livre En atteste le titre donné à une gravure « Livre aux trésors » : livre ouvert dont chaque page est datée : celle de gauche trouée mentionne l'année 1460 el celle de droite avec un trou à nouveau barré par un « disque », l'année 1516. Correspondent-elles à la découverte de l'île de La Réunion et à son peuplement lorsque les bateaux - hantant le livre ou les gravures - sillonnaient les mers à la découverte de nouveaux mondes ? Découvrir une île permet d'écrire un livre ou « graver » un nouveau commencement de l'histoire, un nouveau mythe de la création. Le marque-page, autre motif remarquable de la gravure, est une liane matérialisant une autre conviction du graveur : dans l'île, la nature tient lieu de lien, de racine. L'ile est la racine L'artiste la formule autrement : « L'arbre, c'est le symbole de La Réunion. Il existe sur l'île une pléthore d'espèces : six ». Philippe Turpin réalise alors un chef-d'œuvre : une empreinte de pied, plantée d'arbres se détache d'un fond et les arbres aux feuillages jaunes et verts, seules couleurs dans le monochrome bleu, remplacent les doigts. A la simple métaphore arbre-pied, succède la métaphore de l'île-pied. L'empreinte est bleue, couleur des profondeurs, comme le fond car elle désigne les dessous de l'île dans la mer : le vert et le jaune des arbres indiquent alors l'île en sa surface. Avec ces métaphores et ces couleurs topographiques, Philippe Turpin semble proposer une réponse aux réunionnais en quête de leurs racines : c'est l'île dans ses dessous et ses dessus, dans la mer et sur la mer, là où commencent notre histoire et noire mémoire. Femmes à la face cachée Si les gravures célèbrent l'île sa légende son histoire et sa nature, les sculptures de l'artiste représentent des femmes dans des postures « barrant.. » la face intérieure de leur corps : chevelure, bras et jambes cachent visage, seins, ventre et sexe. Ainsi les agencements de formes ou de mouvements rendent invisible ce qu'il n'est pas nécessaire de voir pour savoir. La femme chez Philippe Turpin n'est surtout pas la face sexuée Elle est dans son repliement dont on voit seulement les dessus. La femme sculptée serait alors la sculpture elle-même, un art des profondeurs donné en surface. Colette Pounia

Exposition :
Référence : Art de livres Artothèque de La Réunion 30/09/1991 08/11/1991
Date de début : 1991-09-30T05:39:19.000000Z
Date de fin : 1991-11-08T05:39:19.000000Z
Description : « Avant les artistes dialoguaient avec les dieux. Maintenant, ils dialoguent avec les hommes » L’ouverture de l’artothèque, hier soir, n’a pas permis à elle seule cette (r)évolution. Mais elle y participe largement. En faisant référence à cette citation, Dominique Calasse-Levassor, responsable de cette maison de l’art vivant mise en place par le Conseil général, imprime cette volonté de désacraliser l’Art : « les arts plastiques, c’est l’expression primaire de l’individu. C’est un acte humain, qui permet de toucher l’authentique, le réel. Tout le monde est concerné par les arts plastiques, par exemple en choisissant une couleur, une forme d’objet ». Et parce que tout le monde est concerné, l’artothèque permettra à chacun de s’approprier une ou plusieurs œuvres d’art. « Une œuvre originale, précise Dominique Calasse-Levassor. Et c’est très important. Quand une œuvre entrera dans une maison, ou dans une école, les gens en recevront plein la gueule. Ils réagiront, c’est une manière de lutter contre l’indifférence ». Et puis, dit-elle encore, les gens pourront toucher les œuvres, un contact essentiel… Pour son inauguration, l’Artothèque a choisi d’exposer 132 œuvres créées autour du thème « le livre détourné ». « La Réunion est une île de grande tradition littéraire, explique l’organisatrice. On s’est demandé comment relier les arts plastiques et l’écrit, comment rattraper ceux qui ne savent pas lire, ceux qui sont exclus de cette image valorisante que l’on peut exporter. Or, tout le monde a des livres chez soi, ne serait-ce qu’un bottin, un calendrier, des journaux. Il était d’ailleurs de tradition d’en décorer les murs des cases. D’eux-mêmes, les gens les ont déjà transformés. Détourner le livre, c’est permettre que chacun se l’approprie. Ceux qui viendront ici verront comment on peut créer à partir d’un support familier, qui n’est d’habitude pas valorisé » Les enfants, qui hier soir fabriquaient le livre d’or de l’expo à partir de matériaux mis à leur disposition, ont déjà entendu le message. Les quelques centaines d’adultes qui se baladaient dans la magnifique maison Mas, bourrée d’œuvre d’art, étaient, dans l’ensemble, plus distants. Peut-être un peu commotionnés par cette profusion d’art, d’un niveau qu’on n’a pas souvent l’habitude de voir à La Réunion. Mais le premier a été franchi hier soir. Les plasticiens réunionnais disposent maintenant d’un lieu exceptionnel pour faire vivre leur art. Et le public pourra pénétrer dans cette maison et en repartir les bras chargés d’un fragment d’art d’avant d’art créé pour circuler. Nathalie Bertrand, extrait du « Témoignages », 1er octobre 1991


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