JARDIN N°1

Numéro d'inventaire : 2014.01.01
Auteur : ADENOR Margaret
Date de création : 2009
Domaine : Peinture
Matière technique : Huile sur toile
Mesures :
Hauteur en cm : 50
Largeur en cm : 61

Description analytique : C’est avec une scrupuleuse minutie que Margaret Adenor, depuis ses débuts en 1997, poursuit sa quête de lumière dans les méandres à la fois spatiales et historiques des drontes. Déjà, à l’Artothèque l’œuvre intitulée « Golgotha ou début d’une légende » évoque ces drontes sacrés, oiseau fidèle et compagnon d’insulaires de l’archipel des Mascareignes vivant paisiblement au fin fond de l’Océan Indien. Le mythe est, alors, en place, la légende se poursuit. Ainsi l’étranger arrivé par la mer va apporter le trouble, bouleversant cette vie idyllique et paradisiaque en asservissant les indigènes et en se nourrissant des drontes. L’animal sacré est alors sacrifié afin que lui soit épargnée une vie de servitude. Seuls trois drontes ont mystérieusement survécu, restés invisibles, ils continuent leur mission initiale : protéger l’île et ses habitants. C’est ainsi que Margaret Adenor nous révèle, en 2000 à l’Artothèque, la légende des drontes consignée dans « Le Cahier d’Emma » . Treize années plus tard, l’artiste parvient à retirer le voile de cette recherche énigmatique en projetant une lumière radieuse sur l’ensemble de sa démarche à la fois poétique, plastique et spirituelle. Le dronte, à l’origine de ce processus créatif imaginatif est un animal qui a réellement vécu dans les îles Mascareignes et dont l’espèce s’est éteinte peu de temps après sa découverte par les européens au XVIIème siècle. Depuis, le dronte cristallise en lui toutes les peurs. Peur de la mort, de la disparition. Le dronte ou dodo est ainsi devenu une icône, symbole d’extinction. Gros oiseau, un peu pataud qui n’avait plus besoin de voler en l’absence de prédateur, le dodo a très vite incarné cette image d’un paradis perdu, disparu comme dans le roman Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Dans « Le Cahier d’Emma » le mythe du dronte protecteur accompagne déjà les habitants de l’île en leur apportant la lumière qui neutralise les peurs en veillant à leur sécurité. L’oiseau tout rond suit pas à pas chacun des hommes comme un animal allié. A l’image de l’animal totem des amérindiens, il est vénéré, un culte lui est dédié, il est le médiateur, le cadeau du ciel venu protéger. Le dronte est la lumière divine, la lumière salvatrice qui ouvre le cœur et l’esprit. Au-delà du dronte, animal emblématique, se révèlent des personnages bibliques qui expriment un état de pureté et de paix. Les jardins sont idylliques, enchanteurs et regorgent de vie. Marie, les anges, les archanges et Jésus, tous participent de l’expérience de l’artiste dans son cheminement spirituel, sa réflexion métaphysique, ses interrogations religieuses, sa mystique. En dépit de la modernité et des libertés prises par l’artiste dans la forme, sa peinture s’inscrit dans une longue tradition avec ses codes de représentations déjà inscrits dans l’antiquité comme l’Ichtus chrétien, les fonds d’or symbole d’éternité ou l’auréole qui nimbe les personnages saints. Margaret Adenor s’est inspirée des icônes de l’Eglise d’Orient en leur empruntant le goût du portrait, l’élégance des motifs décoratifs, la composition et le dessin soignés et surtout le chatoiement et le raffinement des couleurs. La douceur de ces harmonies profondes et pures est délicatement conduite par un dessin en arabesques et la gaîté des ponctuations brillantes, miroitantes. Le raffinement des motifs décoratifs se double parfois du support précieux et fragile qu’est l’ardoise dont le format rappelle celui des icônes anciennes, objets de culte portatifs. Les personnages plaisants et souriants promènent leur légèreté dans des paysages de rêve colorés, dans une fraîcheur naïve et magique où l’oiseau rouge est toujours présent, virevoltant, fidèle compagnon. Ce bestiaire qui est propre à l’artiste est sans doute une évocation des quatre Vivants de l’Apocalypse, mais la place d’honneur revient évidemment au dronte, un dronte rayonnant, un dronte en gloire, un dronte scintillant, le plus souvent auréolé, aux couleurs chatoyantes et, parfois même, aux ailes éployées dans une grande majesté. Il est, à l’intérieur du mythe, l’éclaireur, le conducteur dans cette expérience vécue par l’artiste à la rencontre du Jésus des Evangiles. Les sujets explicitement religieux forment un corpus fécond dans l’art des XXème et XXIème : Georges Rouault, Pierre Bonnard, Fernand Léger, Germaine Richier, Jean Bazaine, Henri Matisse, Georges Braque, Jacques Lipchitz, Marc Chagall à Notre-Dame-de-Toute-Grace (Plateau d’Assy), Matisse à Vence, Le Corbusier à Ronchamp ou encore Gérard Garouste à Notre-Dame de Talant. C’est une même réflexion métaphysique qui anime les artistes contemporains pourtant inscrits dans une rupture formelle. Dans son approche Expressionniste, Georges Rouault a nourri son œuvre d’interrogations religieuses, ponctuée de nombreuses figures du Christ. Aux sources de l’abstraction ce sont des réflexions religieuses et mystiques qui ont présidé à l’œuvre Kandinsky, et la recherche de pureté de Malevitch est directement liée à une mystique religieuse à laquelle se rattache le symbole de la croix. De même, chez les expressionnistes abstraits, les « zips » de lumière ou les Quatorze stations de la Croix de Barnett Newman font directement référence au symbolisme chrétien. Chez Joseph Beuys le chamanisme et les gestes christiques (lavement des pieds) le rapprochent de la théologie chrétienne dans sa vision d’un Christ souffrant, mourant et ressuscité. La Crucifixion que Beuys réalise en 1962-1963 (Stuttgart) avait été précédée par celle de Picasso, Chagall, Otto Dix et poursuivie par Georges Baselitz, Ernest Pignon-Ernest… Chaque fois le Christ apparaît comme une figure de compassion. Parfois c’est au travers de la transgression ou du blasphème - ou considéré comme tel -, que le dialogue s’installe entre l’artiste et la religion ; lui apportant, par là même, sa reconnaissance et assurant de la sorte une certaine pérennité à la puissance de ces figures chrétiennes au symbolisme fort comme la Croix et le Christ associés à la souffrance humaine de nos sociétés séculières. Margaret Adenor a, quant à elle, échafaudé et lentement construit un univers enchanteur et lumineux dans lequel c’est la beauté et son mystère qui sont scrutés. C’est une ballade intérieure que patiemment elle a exploré, accompagnée de son oiseau allié qui, de dodo tout rond, tout dodu, est devenu un dronte sacré auréolé d’or et resplendissant, éclairant l’artiste dans sa démarche qui, de romanesque et plastique, s’est avérée être également un parcours mystique, initiatique. Caroline de Fondaumière, historienne de l’Art Extrait du catalogue d'exposition "Lumières drontiques", 2013

Exposition :
Référence : Lumières drontiques Artothèque de La Réunion 19/10/2013 21/03/2014
Date de début : 2013-10-19T05:39:54.000000Z
Date de fin : 2014-03-21T05:39:54.000000Z
Description : C’est avec une scrupuleuse minutie que Margaret Adenor, depuis ses débuts en 1997, poursuit sa quête de lumière dans les méandres à la fois spatiales et historiques des drontes. Déjà, à l’Artothèque l’œuvre intitulée « Golgotha ou début d’une légende » évoque ces drontes sacrés, oiseau fidèle et compagnon d’insulaires de l’archipel des Mascareignes vivant paisiblement au fin fond de l’Océan Indien. Le mythe est, alors, en place, la légende se poursuit. Ainsi l’étranger arrivé par la mer va apporter le trouble, bouleversant cette vie idyllique et paradisiaque en asservissant les indigènes et en se nourrissant des drontes. L’animal sacré est alors sacrifié afin que lui soit épargnée une vie de servitude. Seuls trois drontes ont mystérieusement survécu, restés invisibles, ils continuent leur mission initiale : protéger l’île et ses habitants. C’est ainsi que Margaret Adenor nous révèle, en 2000 à l’Artothèque, la légende des drontes consignée dans « Le Cahier d’Emma » . Treize années plus tard, l’artiste parvient à retirer le voile de cette recherche énigmatique en projetant une lumière radieuse sur l’ensemble de sa démarche à la fois poétique, plastique et spirituelle. Le dronte, à l’origine de ce processus créatif imaginatif est un animal qui a réellement vécu dans les îles Mascareignes et dont l’espèce s’est éteinte peu de temps après sa découverte par les européens au XVIIème siècle. Depuis, le dronte cristallise en lui toutes les peurs. Peur de la mort, de la disparition. Le dronte ou dodo est ainsi devenu une icône, symbole d’extinction. Gros oiseau, un peu pataud qui n’avait plus besoin de voler en l’absence de prédateur, le dodo a très vite incarné cette image d’un paradis perdu, disparu comme dans le roman Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, Dans « Le Cahier d’Emma » le mythe du dronte protecteur accompagne déjà les habitants de l’île en leur apportant la lumière qui neutralise les peurs en veillant à leur sécurité. L’oiseau tout rond suit pas à pas chacun des hommes comme un animal allié. A l’image de l’animal totem des amérindiens, il est vénéré, un culte lui est dédié, il est le médiateur, le cadeau du ciel venu protéger. Le dronte est la lumière divine, la lumière salvatrice qui ouvre le cœur et l’esprit. Au-delà du dronte, animal emblématique, se révèlent des personnages bibliques qui expriment un état de pureté et de paix. Les jardins sont idylliques, enchanteurs et regorgent de vie. Marie, les anges, les archanges et Jésus, tous participent de l’expérience de l’artiste dans son cheminement spirituel, sa réflexion métaphysique, ses interrogations religieuses, sa mystique. En dépit de la modernité et des libertés prises par l’artiste dans la forme, sa peinture s’inscrit dans une longue tradition avec ses codes de représentations déjà inscrits dans l’antiquité comme l’Ichtus chrétien, les fonds d’or symbole d’éternité ou l’auréole qui nimbe les personnages saints. Margaret Adenor s’est inspirée des icônes de l’Eglise d’Orient en leur empruntant le goût du portrait, l’élégance des motifs décoratifs, la composition et le dessin soignés et surtout le chatoiement et le raffinement des couleurs. La douceur de ces harmonies profondes et pures est délicatement conduite par un dessin en arabesques et la gaîté des ponctuations brillantes, miroitantes. Le raffinement des motifs décoratifs se double parfois du support précieux et fragile qu’est l’ardoise dont le format rappelle celui des icônes anciennes, objets de culte portatifs. Les personnages plaisants et souriants promènent leur légèreté dans des paysages de rêve colorés, dans une fraîcheur naïve et magique où l’oiseau rouge est toujours présent, virevoltant, fidèle compagnon. Ce bestiaire qui est propre à l’artiste est sans doute une évocation des quatre Vivants de l’Apocalypse, mais la place d’honneur revient évidemment au dronte, un dronte rayonnant, un dronte en gloire, un dronte scintillant, le plus souvent auréolé, aux couleurs chatoyantes et, parfois même, aux ailes éployées dans une grande majesté. Il est, à l’intérieur du mythe, l’éclaireur, le conducteur dans cette expérience vécue par l’artiste à la rencontre du Jésus des Evangiles. Les sujets explicitement religieux forment un corpus fécond dans l’art des XXème et XXIème : Georges Rouault, Pierre Bonnard, Fernand Léger, Germaine Richier, Jean Bazaine, Henri Matisse, Georges Braque, Jacques Lipchitz, Marc Chagall à Notre-Dame-de-Toute-Grace (Plateau d’Assy), Matisse à Vence, Le Corbusier à Ronchamp ou encore Gérard Garouste à Notre-Dame de Talant. C’est une même réflexion métaphysique qui anime les artistes contemporains pourtant inscrits dans une rupture formelle. Dans son approche Expressionniste, Georges Rouault a nourri son œuvre d’interrogations religieuses, ponctuée de nombreuses figures du Christ. Aux sources de l’abstraction ce sont des réflexions religieuses et mystiques qui ont présidé à l’œuvre Kandinsky, et la recherche de pureté de Malevitch est directement liée à une mystique religieuse à laquelle se rattache le symbole de la croix. De même, chez les expressionnistes abstraits, les « zips » de lumière ou les Quatorze stations de la Croix de Barnett Newman font directement référence au symbolisme chrétien. Chez Joseph Beuys le chamanisme et les gestes christiques (lavement des pieds) le rapprochent de la théologie chrétienne dans sa vision d’un Christ souffrant, mourant et ressuscité. La Crucifixion que Beuys réalise en 1962-1963 (Stuttgart) avait été précédée par celle de Picasso, Chagall, Otto Dix et poursuivie par Georges Baselitz, Ernest Pignon-Ernest... Chaque fois le Christ apparaît comme une figure de compassion. Parfois c’est au travers de la transgression ou du blasphème - ou considéré comme tel -, que le dialogue s’installe entre l’artiste et la religion ; lui apportant, par là même, sa reconnaissance et assurant de la sorte une certaine pérennité à la puissance de ces figures chrétiennes au symbolisme fort comme la Croix et le Christ associés à la souffrance humaine de nos sociétés séculières. Margaret Adenor a, quant à elle, échafaudé et lentement construit un univers enchanteur et lumineux dans lequel c’est la beauté et son mystère qui sont scrutés. C’est une ballade intérieure que patiemment elle a exploré, accompagnée de son oiseau allié qui, de dodo tout rond, tout dodu, est devenu un dronte sacré auréolé d’or et resplendissant, éclairant l’artiste dans sa démarche qui, de romanesque et plastique, s’est avérée être également un parcours mystique, initiatique. Caroline de Fondaumière, historienne de l’Art


Mots clés :
paysage - genre iconographique - JARDIN - ARBRE - PLANTE - BOTANIQUE - SCIENCES PURES - OISEAU - VERTEBRE - TAXONOMIE - ZOOLOGIE - SCIENCES PURES - POISSON - VERTEBRE - TAXONOMIE - ZOOLOGIE - SCIENCES PURES - ANGE - ETRE SURNATUREL - RELIGION - THEOLOGIE -